Que l’on soit diagnostiqué sur le tard (adulte) ou sur le tôt (enfant/ adolescent), annoncer aux gens que l’on est sur le spectre semble être une grande difficulté pour de nombreux autistes. Ce n’est pas mon cas, c’est probablement pour cela que jusque là je n’avais pas réalisé qu’il faudrait peut être aborder ce sujet avec vous… et puis de toutes façons, il me fallait également le temps de cumuler des témoignages et exemples du sujet pour l’aborder le mieux possible.
Je me souviens avoir « demandé l’autorisation » d’annoncer mon autisme et celui de ma fille, à l’occasion d’un rdv avec la psychiatre qui a posé le diagnostic de Fille. Je me rappelle qu’à cette époque j’étais très perturbée du fait que les gens ne comprennent rien ou ne sachent rien de l’autisme, alors que de notre côté cette découverte avait déjà commencé à changer notre existence, et surtout notre façon de nous percevoir dans ce monde auquel nous avions toujours eu le sentiment de ne pas appartenir… Je me souviens de la violence de ce stress engendré, non pas par la confirmation de nos diagnostics, mais par les remarques ou moqueries de certaines personnes non qualifiées pour parler d’autisme quand je tentais de leur exposer le sujet… et leur façon de me faire remarquer que je n’étais pas qualifiée moi même pour en parler (alors que le CRA et les pro qualifiés m’avaient dit le contraire ^_^). Au passage, le plus gros du stress à la limite de l’anxiété, c’est sur le web que je l’ai vécu, les réseaux sociaux sont pleins de gens qui croient tout savoir et qui s’autorisent à critiquer ou réclamer des diagnostics sans rien connaître de l’autisme, détachez vous de ces opinions et réflexions d’inconnus pour avancer surtout. Je demandais donc l’autorisation de parler de nos autismes à la psy, qui me répondait que c’était à moi et seulement à moi de décider, mais que j’en avais parfaitement le droit et que c’était même une bonne façon de faire avancer les choses, pour nous, et pour ceux qui n’osent pas en parler.
Alors, l’annonce de nos diagnostics et l’étalage de vraies informations face aux préjugés de certains s’est avéré assez sportif, voir masochiste parfois x) Heureusement pour moi, j’ai toujours été très solitaire, je n’avais qu’une « vie sociale » de surface, il ne m’a donc pas été très douloureux de ne plus voir les personnes qui ne m’avaient de toutes façons jamais comprise mais toujours jugée. Il m’a été conseillé pour ma santé, de m’éloigner des gens qui déclenchaient chez moi des crises et j’ai très vite pris la mesure des bénéfices à suivre ce conseil judicieux. En fait, l’annonce du diagnostic et l’affirmation qui s’en est suivie (en acceptant plus qu’on me donne des conseils d’éducation erronés pour ma fille ou qu’on lui fasse à elle des réflexions débiles , en acceptant plus qu’on me dise comment je devrais ou pas me conduire dans ma vie personnelle, en ne tolérant plus les préjugés ou les conseils de médecine parallèle, en acceptant plus de souffrir pour « faire plaisir » aux gens, en ne m’imposant plus d’assister à des repas pseudo familiaux, en refusant des rdv…etc…), nous ont littéralement libérées, ma fille et moi, et nous ont permis de faire un royal ménage autour de nous, on peut même appeler ça un assainissement moral!
Vous comprendrez donc ma position; pour moi, il est inenvisageable de ne pas dire que l’on est autiste si l’on veut vivre sa vie et non vivre dans l’ombre de celle des autres… Mais je comprends que certains aient du mal ou n’y arrivent pas dans certaines occasions. Je vais donc essayer de vous convaincre de franchir le pas, parce que même si je respecte votre décision, je crois que vous oubliez qu’on a qu’une seule vie, et que la passer à cacher aux autres qui vous êtes vraiment vous fait du mal à vous et seulement à vous (fatigue, compensation, douleurs, stress, incompréhensions, culpabilité…). Je vais répondre à quelques arguments qu’on m’a donné et les réponses que j’en fais, en espérant que ça en aidera quelques uns à lvl up!
J’insiste sur le fait que ce sera de toutes façons votre seul choix.
1. « Je suis ado, j’ai peur de la réaction des autres, c’est déjà assez difficile comme ça pour moi »
Oui, quand on est jeune c’est très compliqué de parler de notre différence, surtout si on en a une vision négative ou qu’on a déjà vécu des traumatismes « à cause de ça ». La vision négative vient souvent de la façon dont on nous l’annonce et/ou de la façon dont on entend les autres en parler, alors qu’ils n’ont aucune réelles connaissances. J’estime que c’est aux adultes de t’aider à en parler le jour où tu te sentiras prêt à le faire. En te soutenant et en expliquant aux autres ce que ça peut impliquer pour toi et pour eux. C’est normal d’avoir peur, mais tu sais, te soulager en expliquant un peu certaines de tes particularités, peut te rendre la vie plus facile et aider les autres à comprendre ton autisme à toi. C’est mieux que de les laisser croire tout savoir sur les autistes parce qu’ils ont vu un film sur le sujet ou qu’ils en connaissent un 😉
Tu peux te préparer à cette annonce, tu as le temps, c’est à toi de décider du moment pour le faire, à toi de décider de leur ouvrir la porte de ton monde intérieur et encore à toi de décider quels points tu désires aborder.
2. « Je travaille, j’ai honte ou peur de la réaction de mes collègues et de toutes façons ils ne me comprendront pas
Je te confirme qu’ils ne te comprendront jamais si tu ne leur expliques jamais ton autisme. Concernant la honte, tu es autiste et tu as un emploi, tu as du mérite et tu dois être fier de toi, il n’y a aucune raison d’avoir honte, bien au contraire! Il n’y a aucune raison non plus pour que tu passes ta vie à accepter des choses qui te font du mal ou te rendent mal à l’aise quand tu es au boulot.
3. « J’ai peur qu’on ne m’apprécie plus pour mon travail, qu’on pense que j’ai des super-pouvoirs autistiques »
Il est clair que la représentation qui est faite des autistes en emploi, qui plus est si on leur parle d' »Asperger » au lieu d’autisme en pensant que ça sera moins violent pour eux ou que « ça fera mieux » (= moins handicapé?), est totalement WTF et formatée par la médiatisation de quelques autistes à qui tu ne ressembles probablement pas… ça ne nous aide pas, c’est certain, mais tu veux savoir ce qui nous aide encore moins? Que tu te taises, que tu te caches et que tu t’empêches de montrer ce qu’est vraiment l’autisme, le tien.
C’est contreproductif de laisser les gens dans l’ignorance alors qu’on se plaint justement de leurs préjugés, c’est paradoxal comme comportement m’voyez!
Casses donc l’image qu’ils en ont en leur expliquant ton histoire, ton diagnostic, et tu verras que très vite après l’étonnement et les questionnements, une fois que les gens se seront faits à cette vérité et qu’ils auront trouvé des explications à tes petites particularités, il se remettront à ne te voir que comme tu es, leur collègue, qui fait du bon taf et des blagues pourries :’)
4. « On ne me croira pas et on ne prendra jamais en compte les difficultés que j’ai au quotidien »
C’est une peur qui revient souvent la peur de ne pas être crue ou plutôt entendue par les autres, plus ou moins prononcée selon notre parcours et notre environnement. L’explication se trouve certainement dans nos passifs, parce qu’on ne nous croyait pas ou comprenait pas lorsqu’on essayait (laborieusement) d’exprimer nos difficultés, parce que souvent les gens ne voient pas nos difficultés tant nous avons la capacité de nous effacer et de compenser pour ne pas « passer pour » des êtres décalés et faire « comme les autres », même si on savait que quelque chose « clochait » en nous. On peut se dire aussi que si jusque là on a tout masqué, on peut passer notre vie à le faire, il n’est pas légitime de nous plaindre, qu’il y a pire que nous. Je suppose que ça doit pouvoir se travailler avec une psychologue ou en se confrontant à la réalité, car souvent on s’imagine les choses négativement à tort.
Pour donner la chance aux autres de prendre en compte nos difficultés, il faut bien commencer par leur expliquer. Ils ne peuvent pas deviner ni lire dans nos pensées, d’autant que souvent nos visages les trompent sur nos réelles émotions. On ne peut pas prendre en compte des choses que l’on ignore et qu’on ne visualise pas, c’est pareil pour les neurotypiques. Quant à ceux qui ne te croient pas, tu as été diagnostiquée par des experts, tu n’as pas à montrer ton diagnostic pour qu’on te croit, mais tu peux le rappeler à ceux qui feraient comme s’ils savaient mieux que toi ce que tu es ou pas 😉 Un jour tu arriveras à te foutre des gens qui ne te considèrent pas et à t’en éloigner, c’est tout le mal que je te souhaite.
5. « J’ai peur qu’on me rejette »
Il me vient de suite cette question devant cet argument… « Veux tu être ami(e) ou en relation avec des gens qui rejettent les autres en fonction de la façon dont leur cerveau fonctionne? »
Certains te rejetteront oui, et parfois ils le feront d’une façon très discrète et méprisante, et d’autres resteront ou se rapprocheront encore plus de toi. Deux des étapes essentielles post diagnostic, c’est l’acceptation de ce que l’on est et (ré)apprendre à s’entourer de bonnes personnes. Je ne pense pas qu’une personne te rejette du jour au lendemain parce que tu es autiste si elle tient à toi pour de vrai. Ceux qui te rejettent ne valent pas la peine que tu t’es donné jusque là pour passer inaperçu. C’est dur de se sentir rejeté, mais au final, être rejeté par des gens qui ne te comprennent pas, c’est presque te rendre service. Tu ne peux pas les obliger à t’accepter ou à t’aimer, mais as-tu vraiment besoin d’être entouré d’injustes? à toi de voir.
6. « J’ai peur d’être infantilisé »
On en connait tous des « infantilisateurs » et on aime pas ça. Moi perso j’ai l’impression qu’on me prend pour une conne dans ces cas là. Pour autant, les gens qui vont nous infantiliser manquent juste d’informations sur nos réels besoins. Ce sont en général des personnes qui pensent faire au mieux et qui ont des idées généralisées sur les difficultés et capacités des autistes et qui n’ont pas assimilés le cas par cas et le désir d’autonomie. Là encore, expliquer notre autisme aura l’avantage de mettre les choses au clair avec ces gens là. On oublie souvent que s’il est vrai que nous n’avons pas les clefs du monde neurotypé et qu’il nous faut apprendre à le comprendre, il est encore plus vrai que les neurotypiques n’ont pas les clefs de notre monde, la difficulté pour nous comprendre étant qu’on est quand même beaucoup moins nombreux à observer ^_^
7. « J’ai peur qu’on me compare à d’autres autistes et qu’on me pose des questions gênantes »
Pourtant ça peut être justement l’occasion d’expliquer qu’il y a des tas d’autismes différents et tu as le droit de refuser de répondre à des questions si elles te mettent mal à l’aise, et de dire à la personne que son comportement est mal venu également… mais ouvrir le dialogue et pouvoir t’exprimer sur ce qui te concerne peut être épanouissant pour toi et enrichissant pour la personne à qui tu t’adresses.
Je vais conclure cet article en précisant qu’il ne s’agit pas de se promener dans la rue et d’annoncer son autisme partout, mais de l’annoncer aux gens qui font partie de votre entourage direct, je trouve par exemple tout à fait mauvais de cacher ça à sa famille ou à ses amis, personnellement je ne comprendrais pas du tout qu’on me cache un diagnostic de quoi que ce soit si on se prétendait être mon ami.
L’annoncer à son patron peut être délicat mais peut également débloquer une situation, une embauche, une promotion, un aménagement essentiel. 🙂
L’expliquer à sa boulangère peut faire changer son regard sur l’autisme en le dédramatisant, ou tout simplement comprendre le fonctionnement de la personne qu’elle a en face et comprendre avec bienveillance certains de nos comportements (ou ceux de nos enfants), l’annoncer à la police peut carrément nous sauver les miches car ils sont de plus en plus formés aux différences également… Il y a en fait des tas de choses qui se passent mieux quand les gens sont au courant de notre fonctionnement, et ça vaut pour les TDA/H ou d’autres fonctionnements « particuliers » 😉
Quelque soit ton choix, il est respectable et il doit être fait consciemment 😉
Just_autist. (21.01.2022).
2 Commentaires
Bonjour, j’aimerai rebondir sur une phrase de ton article « mais as-tu vraiment besoin d’être entouré d’injustes? » Dans ton paragraphe sur le rejet.
Je pense que tu as trop réduit ton champ d’analyse sur ce point. Je t’explique :
Non tu ne veux certainement pas t’entourer de personnes intolérantes MAIS dans le cadre du travail il se peut que tu n’ai pas le choix. Dans le sens où si tu espères par exemple être embauché en CDI, et même après pour ne pas te faire taper sur les doigts, tu dois faire en sorte malheureusement d’être relativement bien vu de ton équipe, même s’il y a des gens mauvais, tu es obligé de les côtoyer. Donc tu ne peux pas toujours t’en débarrasser. Bien sûr tu n’es pas obligé de forcer à avoir plus qu’une relation « cordiale de travail » mais tu dois les avoir autour de toi.
Je suis venue sur ton blog car c’est entrain de partir en « eau de boudin » a mon travail car les gens commencent à mal interpréter mon comportement (période de grand stress pour moi, mon déguisement se fissure) et je ne sais pas comment annoncer que je suis autiste a mon manager (une personne qui me semble bienveillante) mais je pense qu’il est nécessaire de lui dire afin que je ne sois pas mal jugée comme ça a été le cas toute ma vie. Je ne sais pas comment l’annoncer (a part en privé dans son bureau, je veux dire verbalement je ne sais pas quoi dire, et ça me stress encore plus)
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Bonjour, je te trouve non rationnelle puisque j’ai traité du lieu de travail, donc je ne vois pas en quoi mon champs est réduit…
Il s’agit d’annoncer son autisme dans cet article, si tu n’oses pas l’annoncer par peur des réactions des collègues parce que tu penses que l’hypocrisie est plus saine, je ne peux ni te donner raison, ni t’aider.
« Etre bien vu » de ton équipe? pourquoi, parce qu’être autiste c’est mal vu? j’ai l’impression que c’est ton champs de vision qui est restreint et très réducteur pour tous les autistes qui bossent et qui parlent de leur autisme aux collègues.
Tu me dis ensuite que « ça part en eau de boudin » et que tes comportements sont mal interprétés, tu résumes exactement les conséquences de ce mensonge par omission que tu te traines comme un boulet. Du coup, tu peux éventuellement préparer ta sortie de l’ombre avec une psychologue, voir ce que tu veux vraiment, on peut très bien avoir des relations cordiales avec des non autistes tout en leur expliquant nos comportements afin qu’ils ne les prennent pas « mal » ou qu’ils ne te « jugent pas » (ou plutôt à toi d’apprendre à te foutre des jugements, car en fait les gens jugent du matin au soir et sont très injustes).
Bon courage à toi, j’espère que tu oseras te révéler telle que tu es!