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Guide de communication avec les neurotypiques

La communication entre personnes autistes et personnes neurotypiques (terme désignant les personnes qui ne sont pas autistes) est bien souvent compliquée, car le fonctionnement cognitif est différent. Cet article essaiera donc de fournir les éléments clés du fonctionnement neurotypique, afin de permettre aux personnes autistes d’interagir de manière « socialement acceptable » avec les neurotypiques en cas de besoin (obligation de fréquenter des neurotypiques dans un cadre scolaire ou professionnel par exemple).

Néanmoins, cette adaptation aux neurotypiques demande beaucoup d’énergie mentale. C’est pourquoi s’adapter devrait être dans l’idéal un choix, bien que cela ne soit pas toujours possible (milieu scolaire peu conciliant, adaptations de poste impossibles en milieu professionnel, difficulté de changer d’environnement). Des pistes pour fuir les interactions trop prolongées avec les neurotypiques seront également précisées ici.

Fonctionnement des neurotypiques

Les personnes neurotypiques accordent une grande importance aux normes sociales arbitraires, qui régissent le fonctionnement des groupes sociaux auxquels ils appartiennent. Elles définissent notamment les sujets de discussion privilégiés, la manière de s’habiller et l’apparence en général, la manière de parler (ce que les psys appellent « prosodie ») et certaines expressions et rituels sociaux utilisées au sein du groupe. Les personnes autistes ne se pliant pas à ces règles sociales, bien souvent implicites (et apprises naturellement par mimétisme chez les neurotypiques) se retrouvent bien souvent exclues du groupe social.

Ainsi, un collégien ou lycéen ne parvenant pas à se plier aux règles sociales en vigueur dans son collège ou lycée, se retrouvera bien souvent rejeté par ses pairs, et victime de moqueries pouvant déboucher sur du harcèlement scolaire. De même, une personne autiste ne maîtrisant pas les codes sociaux requis pour un entretien d’embauche pourra ne pas avoir le poste voulu car elle aura mal joué sa pièce de théâtre sociale, et son attitude sera interprétée comme « manque de motivation », « ment sur son parcours » à cause du regard fuyant, ou encore « manque de confiance en soi ». Malheureusement, pour interagir avec les neurotypiques, comprendre et appliquer au moins une partie de ces règles sera essentiel, surtout pendant la période du collège où la contrainte de « normalité » est la plus importante.

Les neurotypiques ont également une communication principalement basée sur leurs ressentis et leurs émotions, comme discuter de leur ressenti des évènements sociaux auxquels ils ont participé (réunions de famille, mariages, anniversaires, matchs de sport…), afin de partager ces émotions avec leur auditoire et ainsi renforcer les liens émotionnels du groupe, et susciter l’intérêt de leur auditoire vers eux. Ces discussions peuvent être déstabilisantes pour une personne autiste qui n’en voit pas l’intérêt, parce que soit elle est exclue des dits évènements sociaux, soit parce qu’elle a une perception différente de ce genre d’évènements ou tout simplement est en décalage avec les neurotypiques. En effet, les évènements sociaux peuvent être un enfer sensoriel à cause de la musique trop forte ou les gens qui parlent trop fort, ou encore l’anxiété sociale qui est répandue chez beaucoup d’autistes, pouvant causer ce décalage. Or, beaucoup de neurotypiques associent l’évitement de ces discussions (communément appelé « small talk ») comme étant du mépris (ou de la timidité pour les plus chanceux), et la personne autiste est considérée comme froide ou hautaine.

Techniques de communication

L’attitude corporelle et l’apparence ont une importance particulière pour les neurotypiques, puisque c’est la première impression qu’ils ont, et sur laquelle ils baseront leur jugement ultérieur. Ainsi, dans la mesure du possible, avoir une marche la plus « neurotypique » possible devrait permettre de se fondre dans la masse. Malheureusement, les critères de démarche acceptée par les neurotypiques sont assez flous. Se tenir droit, les bras se balançant le long du corps (ou dans les poches ou tenant un objet, au hasard un smartphone pour celles et ceux qui ne le supportent pas), en ayant une marche « fluide » devrait néanmoins être assez convaincant pour la plupart des gens.

Les stéréotypies (mouvements souvent involontaires comme tourner en rond, battre des mains,…) visibles perturbent également le commun des mortels qui nous perçoit comme des « anormaux » ou carrément « cassos ». Les remplacer par d’autres socialement plus acceptables, comme jouer avec un stylo, ou encore utiliser des hand spinner ou autres fidget toys réduira notre décalage aux yeux des neurotypiques. Avoir des objets à manipuler dans sa poche peut également être utile pour les stéréotypies discrètes.

La manière de communiquer est également importante auprès des neurotypiques. Le but premier de la communication chez les neurotypiques est d’entretenir un lien social plutôt qu’échanger des informations. Par conséquent, il vaut mieux éviter de parler de ses centres d’intérêt (connu sous le terme « infodumper ») avec des personnes qui ne sont pas ouvertes à ce genre de discussions. Les conversations informelles et « standardisées » seront à privilégier comme l’exemple ci-dessous:

– Salut, ça va ?
– Oui et toi ?
– Ça va, par contre qu’est-ce qu’il fait frais ce matin !
– Oui, qu’est-ce qu’il fait frais ! Ton week-end s’est bien passé ?
* suite de la discussion passionnante sur les activités du week-end *

 

Pour survivre à ce genre de discussions, le plus simple est encore la technique de répéter ce que vient de dire l’interlocuteur, en l’agrémentant de quelques « Effectivement », « C’est vrai », et de détails insignifiants sur le déroulement de son week-end ou sa soirée auxquels les neurotypiques semblent bizarrement passionnés.

Néanmoins, la méthode la plus radicale consiste à prétexter une occupation de la plus haute importance afin d’écourter au plus vite ces discussions, comme prétexter avoir beaucoup de travail, des courses urgentes à faire. On peut aussi tenter de ramener vers ses sujets de prédilection, mais si l’opération échoue, votre capital sympathie auprès des neurotypiques pourra en prendre un sacré coup, plus qu’un départ précipité en tout cas.

La politesse est également un concept important aux yeux du commun des mortels. Ainsi, il faudra veiller à dire « Bonjour » ou « Bonsoir » à quelqu’un lorsqu’on commence à lui parler, « Au revoir », ou autre terme synonyme lorsqu’on a fini, « s’il-te-plaît » lorsqu’on demande quelque chose (bien que l’utilité de cette formule soit discutable, peut-être sert-elle à l’interlocuteur à lui donner l’impression qu’il peut refuser la demande), et « merci » une fois la demande satisfaite. Il existe d’autres règles de politesse plus ou moins bizarres et dont le non-respect (qui peut parfois être une question de survie) pourra vous coûter beaucoup de points de charisme envers les neurotypiques.

Conclusion

L’article commence déjà à se faire assez conséquent, c’est pourquoi je renvoie vers quelques liens (qui m’ont personnellement bien aidé à améliorer mon « passing ») en guise de conclusion. Le premier site qui m’a été le plus utile a été le blog « Apprendre à Manipuler », n’existant plus aujourd’hui, mais dont les articles sont intégralement repris sur l’Institut Pandore (même si certains articles reprennent les clichés sur l’autisme, notamment au niveau de « l’empathie »). Je recommande notamment la lecture de cet article (et sa deuxième partie par ici). Enfin, le blog du Décodeur du Non-Verbal, recommandé par ma psychologue, que je n’ai pas encore pris le temps de creuser, semble également être intéressant.

Ces conseils devraient permettre une communication plus « fluide » avec les neurotypiques lorsqu’on ne peut pas les éviter, sans s’attirer leur hostilité (et risquer d’entrer dans des situations de harcèlement, dont les mécanismes feront bientôt l’objet d’un autre article).

– aaSSfxxx

4 Commentaires

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    • Catherine Flores sur 26 août 2018 à 14 h 32 min
    • Répondre

    Bonjour, votre blogue est salutaire. C’est important d’entendre enfin la parole des personnes autistes, notamment au sujet de la pression de la « normalité » imposée par les neurotypiques. Je vais continer à vous lire avec plaisir, en espérant que vos propos aident à une meilleure inclusion des personnes autistes dans un monde formaté par les neurotypiques. Je pense que votre perception différente des choses aide à remettre celles-ci question et qu’il faut associer toutes les intelligences pour rendre la société plus intelligente.

    Bonne continuation !

    Catherine

    • malek sur 19 octobre 2020 à 20 h 47 min
    • Répondre

    très intéressant, merci pour le partage

    • Catherine Lilas sur 16 novembre 2020 à 15 h 34 min
    • Répondre

    Comme j’ai dis sur twitter, j’adore votre guide! Je vais l’ajouter à celui que je recommande aux autres autistes et aux parents d’autistes : https://www.autisme.qc.ca/assets/files/07-boite-outils/Communication/Guide_TSA-2015.pdf

    Il a été fait en collaboration avec des adultes autistes : Collaborateurs
    Marie-Josée Cordeau, personne ayant un syndrome d’Asperger
    Josée Boucher, personne ayant un syndrome d’Asperger
    Ugo Ducharme, personne ayant un syndrome d’Asperger
    Danny Lévesque, personne ayant un diagnostic d’autisme (autiste de haut niveau)
    Maryse Brochu, Les Services de Réadaptation du Sud-Ouest et du Renfort
    Julie McIntyre, Centre de réadaptation en déficience intellectuelle
    et en troubles envahissants du développement de la Montérégie-Est

    • Emilie sur 17 novembre 2023 à 9 h 51 min
    • Répondre

    Oh, god, à quand un dictionnaire fait en collaboration entre neurotypiques/neuroatypiques? hahaha

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