Et tu peux prendre cet article comme un coup de gueule personnel, très cher internaute… car il vient en réaction à un certain courant de pensée, qui en plus de ne pas me convenir, me rend furax.
Ce courant de pensée, que j’ai découvert sur Twitter grâce au partage de dcaius (qui n’est pas d’accord non plus ), au sujet de l’association « Je veux être une Aspie » (le rouge représente ma colère)– dont le nom me laisse hyper perplexe , comme si l’autisme était un choix, une volonté, alors que je rappelle qu’Asperger est une forme d’autisme, quand même, et qu’il fait partie des TSA et qu’aucun autiste ne s’est réveillé un matin en se disant: « Tiens, moi quand je serai grande, ben je veux être une Aspie »– dire « je veux » est totalement incohérent, on ne décide pas du fonctionnement de notre cerveau, on l’accepte, on vit avec, on apprend à se comprendre et à se connaître, on peut être heureux comme on est, mais on ne « veut » pas être autiste, on l’est c’est tout, et on fait avec, comme les neurotypiques le font avec leur cerveau de neurotypique, comme les dys le font avec leur cerveau de dys, comme les surdoués le font avec leur cerveau de surdoué, etc…
Comme tu le sais déjà, sur ce site, nous croyons vraiment, que l’autisme (tout entier, et donc ses différentes appellations) est une différence qui fait partie de la neurodiversité. Nous savons que ce n’est pas une maladie, mais bien un fonctionnement du cerveau qui diffère de celui « admis » de la « norme »… Le syndrome d’Asperger est, selon la science, un trouble neurologique du spectre autistique qui touche le cerveau et qui fait partie des troubles envahissants du développement, sans déficience intellectuelle…
Alors, est-il « normal » que notre cerveau fonctionne différemment? Sans doute, puisque nous sommes nés comme ça, c’est notre normalité à nous.
Mais nous restons une population minoritaire dans la population majoritaire… Et nous sommes en situation de handicap, oui oui, désolée, mais c’est une réalité que la société nous impose, alors oui, on rêve de changer cette société, de la rendre plus tolérante envers les autistes et tous ceux qui sont différents de cette norme neurotypique, on rêve d’inclusion, que les autres fassent un effort d’adaptation et de compréhension envers nous, pour que nous ne soyons pas obligés, nous, de sans arrêt nous adapter à des choses qui ne conviennent pas à notre fonctionnement… On n’a pas souhaité être différent et pas souhaité non plus de passer nos vies à compenser, ça nous fatigue énormément… On n’a pas choisi d’avoir des soucis d’interaction sociale, des difficultés à communiquer, à établir des rapports sociaux, à supporter le bruit (la lumière, les odeurs, certaines matières…) ou un environnement très stimulant. On n’a pas non plus décidé d’avoir des difficultés à coordonner les mouvements et à se situer dans le temps et dans l’espace.
Toutes ces choses qui nous composent nous handicapent au quotidien… Et là je n’ai cité que les difficultés propres aux Aspergers, qui comme tu le sais, peuvent également cumuler des comorbidités en plus (Dys, troubles anxieux, dépression, troubles alimentaires etc…)… C’est pour cela que je suis furax quand je lis que le but de cette association c’est de « faire reconnaître l’autisme Asperger en tant que différence plutôt qu’un handicap », c’est non seulement inacceptable mais dangereux!
Si demain on décide qu’Asperger n’est plus un handicap, ce qui nous pend au nez c’est juste qu’on devra se débrouiller tout seul à surmonter nos difficultés, que les autres ne les prendront pas en compte (comme c’est déjà le cas dans pas mal d’écoles, malgré les belles annonces du gouvernement), et je crois qu’au minimum, ceux qui ont été diagnostiqués une fois adultes, seront d’accord pour dire que ce n’est pas souhaitable du tout. Moi je dis même que ce serait une énorme régression pour nous, et les nouvelles générations. Si tu veux témoigner pour dire que ta vie a été super facile jusqu’à ce que tu sois diagnostiqué autiste, vas-y, ne te gêne pas, mais d’avance, je ne te croirai pas, et je ne pense pas avoir besoin de m’étaler sur les raisons qui feront que tu ne seras pas crédible à mes yeux, parce que les gens pour qui tout est facile et sans problème, ne consultent pas un psychiatre ou un CRA pour chercher ce qui cloche… Logique!
Alors, bien entendu, nous n’avons pas que des difficultés, nous avons aussi de très belles qualités, nous sommes intelligents, perfectionnistes et exigeants, nous avons un soucis du détail qui peut en fasciner quelques uns. Nous pouvons devenir experts dans certains domaines grâce à nos intérêts spécifiques. Nous avons une mémoire remarquable (quand ça nous intéresse huhu) et un raisonnement basé sur la logique. Nous sommes en général très lucides et nous avons une bonne capacité d’analyse. Et cerise sur le gâteau, nous sommes capables d’évolution concernant certaines de nos difficultés, et si on nous y aide c’est mieux, parce que nos essais/erreurs peuvent quand même laisser des traces dans notre confiance en nous.
Mais ça n’empêche pas nos difficultés pour autant. Et nos qualités ne pourront être mises en avant que si nos difficultés à vivre dans le monde des neurotypiques sont reconnues et comprises… Parce que je te jure qu’au moment où tu fais un Shutdown ou un Meltdown, ben tes qualités, personne ne les voit, ce que les gens voient, c’est un problème, au mieux ils te penseront souffrant, au pire ils penseront que t’as un sérieux problème ou que tu le fais exprès, (tu sais ces Meltdown où tu pètes les plombs parce que ton cerveau sature, et où tu peux devenir violent et éventuellement faire peur à quelqu’un pas au courant… pardon hein, mais ça fait parti du lot, et tu admettras que ça peut être un minimum handicapant).
Je sais que c’est dur d’admettre d’être une personne en situation de handicap, c’est le mot handicap qui te fait peur, parce que la société en a peur, parce qu’elle le voit comme une chose négative et qu’elle le stigmatise, mais vois tu, comme j’ai répondu un jour à une infirmière de collège qui m’expliquait que si elle ne voulait pas parler de l’Asperger de ma fille, c’était pour qu’elle ne soit pas « stigmatisée »: « Ce n’est pas celui qui est stigmatisé qui est le problème, le problème c’est celui qui stigmatise plutôt que d’essayer de comprendre sans juger »... Et si on doit se battre pour une cause, c’est bien celle là non? Toi qui ne veux pas faire partie des personnes en situation de handicap, dois-je comprendre que tu joues le jeu de tous ces gens parfaitement illogiques qui s’estiment au dessus de tous ceux qui ne correspondent pas à la norme? Dois-je comprendre que pour toi, être handicapé est dévalorisant? C’est ce que je comprends moi, dans ta démarche qui me blesse énormément, parce que vois-tu, je suis reconnue en situation de handicap depuis plusieurs années (ça date de bien avant la découverte de mon autisme), et la connerie des gens ça fait un moment que je compose avec, et je voudrai assez ne pas avoir à composer avec des autistes qui s’estiment au dessus du handicap des autres. Tant mieux si tu as moins de difficultés que d’autres, tu as le droit de parler de ton autisme à toi, ça ne me pose pas de problème particulier, mais ne remet pas en question notre statut sous prétexte qu’il chatouille ton ego.
Voilà, j’ai dit ce que j’avais à dire sur le sujet, j’espère n’avoir blessé personne sauf ceux que mes propos visent, comme parfois, de la blessure naît la réflexion et la remise en question. On peut se battre pour l’inclusion et l’acceptation de la neurodiversité sans pour autant nier les difficultés que ça engendre dans une société comme la notre.
Force et cuillères à tous. (Just_autist).
14 Commentaires
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Remarquable texte. Les gens confondent maladie et handicap. L’autisme n’est pas une maladie à guérir . Il ne faut pas vouloir changer un autiste. Plutôt le comprendre et adapter l’environnement tandis que lui fait déjà énormément d’efforts d’adaptation.
Mais cela reste en effet un handicap dans une société neurotypique. Et c’est essentiel que cette situation de handicap doit reconnue. Surtout que c’est un handicap invisible.
Ce n’est même pas qu’il ne faut pas vouloir changer un autiste, il est vain de le faire car c’est impossible! Je dirais que cela fais partie de notre essence, retirer, guérir l’autisme comme ils l’entendent, c’est retirer de la diversité et l’intégrité d’une personne autiste. En vérité, guérir l’autisme, c’est faire mourir la personne en tant que personnalité unique, c’est la mort de l’autiste, avec son autisme. Ce sont des termes paradoxales ne peuvent pas être utilisés par des personnes autistes, ni par des personnes en situation de handicap, ce sont des personnes ignorantes, extérieur à la singularité qu’est l’autisme.
Auteur
J’en profite pour faire remarquer, comme des tas de gens semblent l’ignorer totalement, que les autistes sont parfaitement conscients de leur autisme, des difficultés mais aussi des qualités, et que chaque évolution est une petite victoire personnelle pour chacun d’entre nous.
Je ne pense pas que tous les autistes soient conscients de l’être, cela demande un certain recul et une certaine prise de conscience, mais si on a pas accès à cela, il s’agirait plutôt de se considérer comme parfaitement normal dans un monde bizarre? Je pense que de nombreux autistes ne feront jamais la démarche de diagnostic pour cette raison, car justement n’ayant pas conscience de leur différence.
Auteur
Je doute très fortement qu’un autiste se sente parfaitement « normal » dans un monde bizarre ^^’
On n’est pas conscient d’être autiste si on a pas les ressources ou l’information qui remontent à nous (ou à un médecin), mais on est très conscient d’avoir des tas de difficultés que les autres n’ont pas, nos parcours sont totalement déglingués et nos échecs nous perturbent énormément. l’autisme n’est pas un simple trait de caractère, c’est un fonctionnement totalement différent avec des comorbidités en règle générale et des difficultés qui remontent à la petite enfance ou l’enfance, il ne faut pas l’oublier.
Donc pour résumer, je ne suis pas d’accord avec ce que tu écris. Des tas d’autistes ne savent pas qu’ils le sont mais ils ont soit un mauvais diagnostic, soit ils sont en difficultés, leur vie intérieure est compliquée et ils ne savent pas comment demander de l’aide et à qui s’adresser.
Ps: Je viens de voir que ton commentaire est en réponse à un autre commentaire. Tu as mal interprété ce que j’ai écrit. Quand je dis « les autistes ont conscience d’être autiste », je parle des gens qui sont diagnostiqués.
Merci beaucoup pour ce texte plein de justesse er clairvoyance.
Personnellement rien que le nom de cette association me pose problème….il est déjà tellement difficile d’être reconnue sans que l’on nous dise que c’est vraiment la mode du moment…c’est vraiment nous tirer une balle dans le pied.
Je partage tout à fait votre point de vue en tant que maman de deux enfants autistes asperger sur 4 et autiste moi-même (diagnostiquée à 52 ans). J’ai eu également l’occasion de voir l’évolution, des prises en charge. Et entre les méfaits de la psychanalyse, que j’ai malheureusement connus pour le premier, et l’accompagnement psychologique + AVS et enseignant référent à la MDPH, je dois dire que c’est le jour et la nuit. Cette prise en charge a permis à ma fille de bénéficier d’un diagnostic à l’âge de 6 ans (au lieu de 21 ans pour l’ainé) et d’un accompagnement en collaboration avec l’école qui a permis jusqu’à présent une scolarité réussie en terme de connaissances mais aussi de relations sociales (pendant que son frère se faisait rouer de coups par les autres garçons dans la cour avec un corps enseignant qui ne remarquait rien !!). Elle évolue dans une atmosphère bienveillante adaptée, sans que sa différence soit stigmatisée. J’espère qu’il en sera de même au collège !! étape toujours très difficile pour les autistes. Certes j’ai du me battre à de nombreuse reprises pour bénéficier de cette prise en charge et les difficultés rencontrées avec son frère ainé m’ont aguerrie et empêchée de reproduire les mêmes erreurs.
Mais c’est bien la reconnaissance de handicap qui a permis cette prise en charge. Elle est bénéfique pour nos enfants mais aussi pour les enfants neuro typiques qui apprennent ainsi très tôt à comprendre les différences de fonctionnement de leur camarade, positives comme négatives, et apprennent donc à ne pas en avoir peur (idem pour le corps enseignant). L’ enjeux social actuel n’est pas de remplacer le handicap par la différence mais de faire un travail éducatif dès l’école, afin d’intégrer le handicap au lieu de le stigmatiser : devenir une société intégrative où la différence quelle qu’elle soit (couleur de peau, culture, religion, handicap) soit une richesse; lutter contre la peur et l’obscurantisme : ça c’est mon coté bisounours.
Auteur
Plutôt que société intégrative, c’est inclusive qu’elle doit devenir. Ce que tu racontes on est beaucoup à l’avoir vécu malheureusement, il aura fallu un parent et un enfant quasi sacrifié pour qu’on arrive à sauver le suivant. Le collège c’est compliqué- ma fille va passer au lycée, mais je commence déjà la prise de recul, et si j’avais su/pu, je l’aurais très certainement mise au CNED d’entrée, ça aurait évité des combats et des fatigues inutiles- quoi qu’elle s’en sort vraiment bien maitenant, mais elle aura besoin d’un mi temps qu’on ne lui accordera pas systématiquement pour la suite (jusqu’à la reco travailleur handicapé, qui se fait à 16 ans je crois)…
J’ai fait un article https://autism-squad.fr/bien-etre/in-amenagement-scolaire-we-trust/ ça pourra peut être t’être utile 😉
Un médecin vient de me demander si j’avais un syndrome d’asperger.. jamais un psy m’en a parlé.. étant tombé sur ce récit j’ai appris le terme shut-down et melt-down.. je vais aller creuser plus loin, merci en tous cas pour cette publication, je crois que je suis aussi aspi.. (quel soulagement au fait serait de savoir que je ne suis pas plus mauviette/ ou bête que les autres.. depuis une vie on me le fait comprendre..)
Auteur
Et n’hésites pas à demander à ce médecin de t’orienter vers un diagnostic 🙂 C’est génial s’il a repéré ça chez toi!
Pour c’est la société qui est handicapée et pas les Aspergers. Mon fils de 14 ans l’est et tu résumes parfaitement qui il est…. Mais si je lui disais moi qu’il est handicapé il en ferait une dépression voir pire… C’est notre monde qui est inadapté, handicapé, stupide et j’en passe, sûrement pas les Aspergers.
Auteur
Je trouve qu’expliquer la « situation de handicap » est mieux que de parler de handicap en général, cela dit, cela dépend aussi des comorbidités… par exemple en ce moment, je suis handicapée par mes acouphènes mes hyper-sensorialités et mon anxiété… ça a un impact sur ma santé et ma vie d’autiste de haut niveau de fonctionnement (niveau par moment ralenti).
Accepter ses « handicaps » pour se rendre compte qu’on y est pour rien, du moins qu’on ne peut pas, à la force de sa volonté les modifier, c’est aussi important, mais ça prend du temps et à l’adolescence on a surtout envie d’être et de faire comme les autres… C’est là que se vivent les plus grosses expériences sociales à mon avis! 😉
Merci pour ce témoignage qui fait du bien. J’ai également envie de crier contre la déshérence médicale à ce sujet (3 ans pour avoir un simple diagnostic… inadmissible) et contre l’école standardisée qui stigmatise plutôt d’inclure.
Mon fils de 9 ans vient d’être diagnostiquer Asperger. Je confirme bien qu’il s’agit bien d’un handicap au quotidien et pas d’une simple différence.
Et maintenant que ce fameux diagnostic est tombé, on sait qu’il s’agit d’un combat d’une vie pour trouver ses marques et essayer de comprendre le monde qui l’entoure.
Espérons que cette reconnaissance soit le début d’une lumière au bout du tunnel.
Auteur
🙂 Courage, et n’hésites pas à lire l’article sur le diagnostic 😉 https://autism-squad.fr/autour-de-l-autisme/votre-enfant-a-recu-un-diagnostique-dautisme-tsa-asperger/
Et j’espère que le monde essaiera de le comprendre et que sa différence sera respectée, parce qu’au delà du handicap, nous sommes différents et nous ne fonctionnons pas de la même façon que les neurotypiques 😉